mercredi 29 août 2007

Les projets de Lydie



Une petite histoire que je viens d'écrire pour permettre aux petites filles et aux petits garçons et aussi à leurs parents de se souvenir.

Je dédie ce texte à mes enfants et à toutes les femmes qui ont eu tant de mal à faire ce qu'elles désiraient tout simplement parce qu'elles étaient nées femmes.


Les projets de Lydie

Lydie a pleins de projets, des grands, des moyens, des petits. Elle a
plein d'envies, plein de rêves ... Quand elle se lève le matin, elle
pense à tout ce qu'elle veut faire, à tout ce qu'elle pourra faire et
sourit de bonheur.

Le soir, quand elle se couche elle ferme les yeux et se voit
inventeuse, cheftaine cuisinière, cheftaine d'orchestre, peintresse,
sculptrice, informaticienne, aventurière ... elle se voit et
sourit de bien-être !

Mais petit à petit, Lydie perd son joli sourire du matin et même celui du soir.
Oh, ça ne se fait pas comme ça du jour au lendemain. Ca se fait petit
à petit, sans même qu'elle s'en rende compte.
Mais un jour sa maman la prend dans ses bras et lui murmure à l'oreille :
- Dis moi mon amour adoré, il est où ce joli sourire que tu avais le
matin ? Je ne le vois plus. Je ne vois même plus celui du soir, celui
que j'aimais tant..."
- Je ne sais pas, fait Lydie en soupirant.
- Cherche, cherche bien. A quoi pensais-tu avant en souriant ainsi ?
Lydie réfléchit encore un peu ... puis se souvient, et avec les
souvenirs, une vague d'émotions arrive et de grosses larmes coulent
sur ses joues.
- C'est quoi ce gros chagrin qui a avalé tes sourires ? demande Maman
en la calinant.
- Je ne veux plus grandir ...
- Quelle drôle d'idée, fait Maman toute étonnée. Et pourquoi donc ?
- Moi je voulais faire plein de choses, je voulais être inventeuse,
cheftaine cuisinière, peintresse, scuptrice, informaticienne,
technicienne de fusée, cheftaine d'orchestre ... moi j'avais plein de
projets avant ... mais maintenant je n'en ai plus ! Jamais je ne
pourrai faire tout ça ! s'exclame Lydie qui ne sait plus si elle est
en colère ou en chagrin.
- Mais pourquoi ne pourrais-tu pas faire tout ça ? demande Maman doucement.
- L'autre jour, j'ai été au musée avec grand-papa, et tu sais quoi ?
... Les tableaux et les sculptures, ce n'était que des gars qui les
avaient fait. Ce n'était que des peintres et des sculpteurs. Les
peintresses et les sculptrices ça n'existe pas ! Je te jure ! Et
puis l'autre jour j'ai vu une émission de télé, c'était sur les grands
cuisiniers ... il n'y avait pas de filles ... ce n'étaient que des
gars. Et puis j'ai vu un livre sur les ordinateurs ... il n'y avait
pas une fille informaticienne dans le livre, même pas en dessin ... ce ne sont que des
gars qui ont inventé les ordinateurs ... Et puis Edouard, tu sais mon
copain, son papa il est chef d'orchestre et il a dit à Edouard que
cheftaine d'orchestre et ben ça n'existe pas ! Et puis Léon il m'a dit
que les filles elles ne peuvent pas être aventurière, c'est trop
dangeureux. Tu te rends compte Maman ? Mais qu'est-ce que je vais faire moi
alors ?
Et Lydie pleine de colère et de chagrin et toute vide de projets se
jette dans les bras de Maman en pleurant.
- Ah ... je comprends mieux, fait Maman. Je vois que ne tu n'as jamais
entendu parler de Ada Lovelace ?
- Non... Qui c'est ?
- Ada a été la toute première informaticienne. C'est elle qui a créé
le premier programme informatique vers 1845.
- Alors, pourquoi ils n'en parlent pas dans le livre ?
- C'est une drôle d'habitude qu'on a prise de ne pas trop parler des
femmes, de ce qu'elles ont fait. Et à force, les femmes ont oublié
qu'elles pouvaient faire plein de choses. Et comme elles ont oublié,
les hommes aussi. Et les hommes et les femmes ont presque trouvé
normal qu'il n'y ait pas de peintresses, de sculptrices, de
musiciennes, d'inventeuses ou d'aventurières... Mais maintenant il est temps de se
souvenir !
- ben oui alors ! renifle Lydie.
- Par exemple, dit Maman, Marie Bashkirtseff, Rosa Bonheur étaient de
grandes peintresses ... mais on n'en parlait pas trop ... parce que
c'était des filles ! Imagine ! Rosa Bonheur devait demander
l'autorisation à la police de mettre un pantalon pour aller aux
marchés aux boeufs où elle faisait des croquis !
- Elle demandait le droit de mettre un pantalon ? A la police ? fait Lydie en
essayant de s'imaginer à l'hotel de police pour demander le droit de
mettre un jeans !
- Eh oui ! Camille Claudel elle, était sculptrice. Elle travaillait
avec Auguste Rodin, un sculpteur très connu et certaines personnes
disaient que les oeuvres de Camille étaient faites par Auguste. Tu vois,
on ne pensait même pas qu'elle pouvait sculpter de si belles choses, parce qu'elle était une femme !
- Raconte-moi encore ! murmure Lydie en se blotissant contre Maman, un
sourire aux lèvres.
- Angelika Kauffmann a du se faire passer pour un garçon, avec l'aide
de son papa, pour pouvoir prendre des cours dans une grande école de
peinture. Et elle n'était pas la seule !
On pensait aussi que les femmes ne pouvaient pas créer de belles
musiques. On parle toujours de grands musiciens, mais pas de grandes
musiciennes ... Mais il y en a eu ... Lili Boulanger, Fanny
Mendelsshon, Augusta Holmès qui signait ses oeuvres d'un nom de garçon
Hermann Zenta. Pendant plusieurs siècles ce sont même des hommes qui
ont joué les rôles des femmes à l'opéra car la formation musicale n'était donné qu'aux garçons !
Et crois-moi des cheftaines cuisinières il y en a toujours eu. C'est
juste que la télé est trop bête pour ne pas nous les faire connaître !
- Mais, dis ... il n'y a pas eu d'aventurières ... c'est trop dangeureux ...
- Mais si il y en a eu ... Par exemple, Alexandra David Neel. Elle est née en 1868 et dès l'âge de deux ans voulait partir explorer le monde.
- A deux ans ? s'exclame Lydie. Mais c'est tout petit deux ans.
- Oui mais elle avait tellement envie de voir à quoi ressemblait le monde ! Elle a voyagé sans cesse en Asie dans des conditions des fois très difficiles, elle parlait plusieurs langues, étudiait beaucoup. Elle s'est arrêté de voyager à 78 ans, l'âge de grande-maman. Et à 100 ans et demi elle a refait faire son passeport.
- Ben ça alors !
- Et il faut aussi que je te parle de Hildegarde Von Bingen qui au 12ème siècle était la plus grande doctoresse de son époque et qui a écrit des musiques, des livres très importants, elle dessinait aussi et elle a même inventé une nouvelle langue !
Alors tu vois mon amour, tu peux grandir. De tout temps il y a eu des
peintresses, des sculptrices, des musiciennes, des inventeuses, des
cheftaines cuisinières, des aventurières... de tout temps il y a eu des femmes dont il
faut se souvenir !

Lydie, fait alors un immense câlin à Maman, se lève puis va se
pelotonner dans son lit. Et là elle ferme les yeux et avec délice se
rempli de tous ses projets. Elle se voit inventeuse, cheftaine
cuisinière, musicienne, peintresse, sculptrice, informaticienne,
aventurière ... elle se voit et sourit de bien-être ! Elle
sait qu'elle est libre, libre de rêver, libre de faire tous les
projets qu'elle veut. Et en s'endormant elle pense à Léon et puis au
papa d'Edouard. Il va falloir qu'elle leur dise !